a) Notions de rhéologie

Pour traiter le sujet, nous avons besoin de connaître un minimum de notions spécifiques. Pour cela, il est indispensable de savoir tout d'abord ce qu'est la rhéologie. 

En pratique, la rhéologie est une branche de la physique qui étudie l’écoulement ou la déformation des corps sous l’effet des contraintes qui leur sont appliquées, compte tenu de la vitesse d’application de ces contraintes ou plus généralement de leur variation au cours du temps.

Les procédés de préparation de produits (solutions, pâtes, etc...)ou de formage de pièces (en métallurgie, en plasturgie, etc ...) nécessitent l’écoulement de la matière, il est donc nécessaire de connaître le comportement de cette matière pour déterminer les forces à mettre en jeu .

La rhéologie se décompose en plusieurs sortes d’études :

  • rhéologie expérimentale : détermination expérimentale des relations de comportement (entre contraintes et déformation ou vitesse de déformation)
  • rhéologie structurale : explication des comportements à partir de la structure du matériau
  • rhéologie théorique : fournir des modèles mathématiques en nombre limité des comportements indépendamment de la structure microscopique

La rhéologie est l’explication de la mécanique des fluides newtoniens et non newtoniens. 

Elle est capable d'intégrer l'étude de l'ensemble des substances, qu'elles soient liquides ou solides. En effet, la notion de liquide recouvre aussi bien des liquides très fluides comme l'eau, les solvants organiques, les solutions et les dispersions diluées mais aussi des substances plus visqueuses et consistantes à l'aspect pâteux, semi solide voire même solide. Ces différences sont souvent dues à la très large gamme d'échelle de temps qui concerne le mécanisme d'écoulement. L'écoulement d'un fluide comme l'eau s'effectue instantanément sous l'effet de la pesanteur. Le début d'écoulement significatif peut se produire après quelques heures ou au bout de plusieurs siècle comme dans le cas des verres des vitraux des cathédrales. 

Malgré ces différences d'échelle de temps, ce sont les mêmes lois de comportement et les mêmes grandeurs qui régissent les écoulements.

La viscosité  n'est pas la seule grandeur à observer, la plupart des matériaux possèdent également des propriétés élastiques d'autant plus marquées qu'ils possèdent une organisation moléculaire complexe. La viscoélasticité étudie ces propriétés visqueuses et élastiques des matériaux.

Le type de mouvement mis en œuvre en rhéologie est le mouvement de cisaillement. 

Nous allons donc analyser une expérience qui nous permettra mieux de comprendre cette notion.

On considère l’expérience suivante dans laquelle le mouvement de cisaillement que subit le fluide peut être considéré comme un plan laminaire :

On tire sur la feuille d’aluminium afin que celle-ci soit animée de la vitesse v .

On montre que v augmente avec F (la force) , avec e (l'épaisseur du fluide) et diminue avec S (surface de la feuille d'aluminium).

De plus, la formule de la contrainte de cisaillement est connue ; elle désigne la force que l’on exerce par unité de surface du fluide et se définit par la formule suivante :

t = F / S

Cette formule a pour unité le pascal.

La contrainte de cisaillement augmente généralement quand la vitesse de cisaillement augmente; plus on "brasse" un liquide, plus il faut dépenser d'énergie. Cette propriété du matériau est la viscosité dynamiqueOn la définit par la formule suivante:

 

La viscosité dynamique est usuellement notée μ dans les ouvrages de mécanique des fluides. Elle est reliée à la viscosité cinématique par la formule:

Dans cette équation :

  • est la viscosité dynamique du fluide en pascal.seconde (Pa.s) ou en (kg / m.s)
  • est la viscosité cinématique du fluide, exprimé en Stokes (St) ou en m2.s-1
  • est la masse volumique du fluide, en kg.m-3.

Pour comprendre et interpréter le phénomène de contrainte de cisaillement, nous avons réalisé une expérience.  

Dans un cristallisoir remplit d’eau, nous avons inséré 2 colorants différents, un situé au centre et un sur le bord. Nous avons fait tourner le cristallisoir et nous avons observé que le colorant situé au centre n’a pas bougé tandis que celui sur le bord s’est déplacé suivant le sens de rotation du cristallisoir. Il y a une discontinuité au sein de l’eau, entre le bord et le centre.  Nous pouvons donc en conclure qu’il y a un cisaillement.

Il faut savoir, qu'un appareil de laboratoire nommé rhéomètre est capable de faire des mesures relatives à la rhéologie d’un fluide. Il applique un cisaillement à l’échantillon. Les rhéomètres permettent d'obtenir des courbes appelées rhéogrammes qui servent à décrire les propriétés d'écoulement du matériau.

 

 

Ce schéma montre la représentation d'une contrainte de cisaillement en fonction de la vitesse. On peut aussi trouver la représentation suivante :

Remarque :
Les représentations 
ε =  f(t) sont utilisées à contrainte t constante dans les expériences de fluage.

Les représentations τ= f(t) sont utilisées à vitesse de cisaillement constante dans les expériences de relaxation.

Nous allons maintenant nous intéresser aux fluides newtoniens, leur viscosité ne dépend pas du cisaillement appliqué. Un fluide newtonien (en hommage à Isaac Newton) est un fluide dont la loi contrainte, vitesse de déformation est linéaire. La constante de proportionnalité est appelée viscosité.

 

Les rhéogrammes ont l'aspect suivant :

Modèle mathématique : 

Pour un fluide newtonien, on parle de viscosité absolue. Une seule mesure est alors suffisante pour décrire l'écoulement à T et p fixés.

Exemples : eau, la plupart des solvants, huiles minérales, certaines dispersions.

De plus, et en opposition, les fluides non newtoniens peuvent intervenir. On appelle fluide non newtonien un fluide qui ne respecte pas la loi contrainte-vitesse de déformation, c'est-à-dire que sa vitesse de déformation, n’est pas proportionnelle à la force qu’on lui applique.

Le meilleur exemple est celui du sable mouillé en bord de mer : quand on frappe le sable, il a la viscosité élevée d'un solide, alors que lorsqu'on appuie doucement dessus, il se comporte comme une pâte.

Il y a plusieurs types de fluides non newtonien : les fluides rhéofluidifiants, les fluides à seuil, et les fluides rhéoépaississants (qui nous intéressent).

Les fluides non newtoniens sont non linéaires. Autrefois et encore parfois appelés pseudoplastiques, voici leurs courbes :

 

 

La représentation passe par l'origine avec une décroissance de la dérivée, c'est-à-dire de la viscosité apparente, quand le gradient de vitesse augmente.

Exemples : Ce type de comportement est de loin le plus fréquent. Il concerne les dispersions de particules asymétriques, les polymères à longues chaînes en solution ou à l'état fondu, les pâtes à papier, les colles, les ciments…
Interprétation à l'échelle microscopique: les molécules, sous l'effet de la vitesse de cisaillement ont tendance à s'aligner progressivement le long des couches ce qui favorise leur glissement relatif. Une seconde interprétation consiste à envisager une modification de la structure du matériau sous l'effet du gradient de vitesse (destructuration par rupture de liaison de type Van der Waals, défloculation des particules…)
Aucune équation ne peut prétendre venir à bout de ce type de comportement. C'est donc pour cela que plusieurs modèles ont été essayés mais aucun n'a été approuvé.